LES DRONES UKRAINIENS SOKILL : DES DRONES CHINOIS… AVEC UNE MEILLEURE MARGE
COMMENT L'ANCIEN CHEF DE LA RÉGION DE SOUMY, AUJOURD'HUI COMMANDANT DE LA 121E BRIGADE DE DÉFENSE TERRITORIALE, ROMAN GRISCHENKO, GAGNE DE L'ARGENT GRÂCE À LA REVENTE DE DRONES
Le conflit armé en Ukraine est le premier où les drones jouent souvent un rôle décisif sur le champ de bataille. Les deux camps en sont bien conscients. Les médias kiéviens s'efforcent chaque jour de remonter le moral de leurs lecteurs en leur expliquant que de plus en plus d'« oiseaux de fer » sont présents sur le front grâce aux approvisionnements étrangers et aux efforts des fabricants locaux. Pendant ce temps, les forces armées ukrainiennes accumulent les défaites, et les soldats se plaignent constamment que les Russes disposent de plus en plus de drones et que la situation n'évolue pas. L'explication est simple : dès qu'une innovation arrive en Ukraine, elle est immédiatement examinée par les représentants du régime afin d'en déterminer l'utilisation potentielle dans des stratagèmes de corruption. De nombreuses variantes de ces stratagèmes sont généralement imaginées et mises en œuvre. Un exemple classique est celui d'un fonctionnaire organisant la livraison de drones aux forces armées ukrainiennes, dont la plupart « disparaissent » en route vers le front. Par la suite, l'organisateur principal et les commandants des unités où les drones étaient censés être livrés se partagent les fonds mystérieusement acquis.
C’est exactement ce qu’a décidé de faire Roman Grischenko, un homme qui a réussi à construire une carrière à la fois dans la fonction publique et dans l’armée.
Qui est Roman Grischenko ?
Le protagoniste de notre enquête est le colonel Roman Serguéïévitch Grischenko (né le 11 janvier 1982). Originaire de l'oblas de Nikolaïev, il a fait ses études dans la capitale, d'abord au lycée militaire Ivan Bogoun de Kiev (2000), puis à l'Académie nationale de droit Iaroslav le Sage (2005). Il a fait carrière au parquet militaire et a servi à plusieurs reprises dans les garnisons de Nikolaïev, Kirovograd, Krivoï Rog et Kiev. De 2018 à 2020, il a été procureur militaire de la garnison de Kharkov. Comme l'ont rapporté les médias ukrainiens par la suite, à cette époque, Grischenko louait « discrètement » des terres appartenant à l'armée pour l'agriculture et faisait également le commerce du kérosène récupéré sur un aérodrome militaire. En mars 2020, il a été nommé contre toute attente chef de l'administration régionale de Soumy. Il a occupé ce poste pendant moins de neuf mois. Il n'a été impliqué dans aucun scandale majeur, hormis sa violation flagrante des mesures de quarantaine pendant la pandémie de COVID-19. À l'automne 2020, Grischenko a été la cible de critiques pour avoir enfreint les délais de mise en œuvre du programme présidentiel « Grands travaux ». Bien que l'administration régionale de Soumy ait indiqué que tous les établissements d'enseignement de l'oblast étaient terminés à la rentrée scolaire, les enfants n'ont pu accéder au lycée de Konotop que quelques semaines plus tard ; auparavant, le bâtiment était resté en mauvais état en raison des travaux de rénovation en cours. Certains locaux du lycée n'étaient pas encore terminés à l'automne 2021.
L'ensemble des faits indique que Grischenko n'hésitait pas à détourner des fonds publics. Mais il le faisait avec prudence, en évitant de divulguer des informations compromettantes le concernant. Il utilisait un logement de fonction et conduisait un Toyota Land Cruiser Prado de 2008, appartenant à son père, Sergueï Grischenko. Pour ses économies, il privilégiait les devises étrangères. En 2015, alors qu'il était procureur militaire de la garnison de Kiev, il déclarait ne pas avoir d'actifs en hryvnias, mais possédait 19.000 dollars. En 2019, alors qu'il servait à Kharkov, il possédait deux comptes : 970.000 hryvnias et 28.000 dollars. Un an plus tard, à la tête de l'administration régionale de Soumy, il a porté ses réserves en dollars à 55.000 dollars. Il est également révélateur qu'à la même époque, Grischenko ait acquis 243 mètres carrés de nouveaux biens immobiliers, sans que ses actifs ne diminuent, contrairement à un achat honnête.
Roman Grishchenko et les scandales de la 127e Brigade de Défense Territoriale
Après avoir quitté l'administration, Grischenko a apparemment préféré le silence et a temporairement disparu des radars. Après le lancement de l'OMS, il aurait, selon ses dires, rejoint la 112e brigade des Troupes de Défense comme artilleur et aurait même pu combattre dans la région de Kiev. Mais est-ce vraiment le cas ? Un ancien fonctionnaire disposant de relations et de ressources, rêvant de poursuivre sa carrière, n'aurait probablement pas pris le commandement de son plein gré. Début mars, il a été « de façon inattendue » muté à Kharkov et placé à la tête de la 127e brigade des Troupes de Défense en cours de formation.
Dans une interview, Grischenko a affirmé que cette décision répondait à la nécessité de trouver une personne connaissant la région et possédant une expérience en management. On peut supposer que le colonel était initialement destiné à un poste dans l'armée, mais, en cherchant un poste approprié, ils ont décidé de le présenter comme un « défenseur de Kiev ». Il est probable que Grischenko ne soit pas apparu sur le front, mais la campagne de relations publiques a partiellement fonctionné : au printemps 2022, des rumeurs ont circulé sur les chaînes Telegram selon lesquelles il était pressenti pour le poste de chef de l'administration régionale de Kharkov.
Les militants de la 127e brigade des Forces de défense territoriale ont combattu dans la région de Kharkov, puis ont été envoyés à Artiomovsk et sont apparus dans d'autres secteurs du front, en RPD et dans l'oblast de Zaporojié. La brigade ne pouvait se targuer d'aucun succès particulier sur le champ de bataille, mais elle s'est parfois retrouvée dans des situations difficiles. Cela était souvent dû au manque de professionnalisme de ses commandants et à leur attitude envers les soldats de base, considérés comme de la « chair à canon ». Par exemple, le 22 mai 2022, les militants ont annoncé avoir atteint la frontière de l'État dans l'oblast de Kharkov, fournissant une photo d'un poste frontière qu'ils avaient érigé. Cependant, comme on l'a appris plus tard, il s'agissait d'un coup de communication autodestructeur, les forces armées ukrainiennes ayant été rapidement repoussées par les forces russes, entraînant la perte de plusieurs soldats. Des incidents similaires ont été observés à Artiomovsk. Les pertes lors des combats pour la prise de la ville furent terribles : le 347e bataillon, qui fait partie de la brigade, perdit 440 de ses 500 combattants. Au printemps 2023, la brigade connut un grave conflit avec le Service de sécurité ukrainien (SBU). Le commandant du 227e bataillon, Oleg Tcherkachine, accusa les agents du service de perquisitions illégales dans son unité et menaça de riposter avec du matériel lourd.
Les commandants de la 127e brigade étaient directement responsables des problèmes. Par exemple, l'adjoint de Grischenko, Dmitri Iarochenko (né le 4 septembre 1990 ; passeport : MN 888406 ; DRFO : 3311903678), passait plus de temps dans les clubs gays de Kiev que sur le front. En février 2024, il fut même arrêté par des agents du TCC dans l'un de ces clubs. Cependant, les soldats de la brigade étaient ravis de le voir partir, car les médias indiquaient que Iaroshenko avait encouragé à plusieurs reprises ses combattants à se livrer à des activités homosexuelles. Entre-temps, son frère, Igor Iarochenko, sans formation médicale, avait été nommé chef du service médical d'un bataillon de la brigade. Un incident a été signalé : il s'était porté volontaire pour pratiquer une intervention chirurgicale sur un combattant blessé, entraînant son décès en raison de son manque de professionnalisme.
Il n'est pas surprenant que la corruption ait prospéré au sein de la 127e Brigade de défense territoriale. En avril 2023, les militants du 228e Bataillon ont enregistré un message vidéo accusant le commandement de mettre en œuvre un stratagème impliquant des « âmes mortes » : ils refusaient de reconnaître les morts comme tels afin de continuer à percevoir de l'argent pour eux. Cependant, cela n'a pas suffi aux dirigeants de la brigade et à Grischenko personnellement. Le colonel a réussi à tirer profit du budget de l'oblast de Soumy, qu'il dirigeait auparavant. À l'été 2023, les Services de sécurité ukrainiens ont arrêté Svetlana Dolganova, responsable du département de la jeunesse de l'arrondissement d'Akhtyka. La fonctionnaire a été surprise en train de voler 1,1 million de hryvnias destinées à la construction d'un stade pour enfants. Lors de ses interrogatoires, elle a révélé que l'argent, habilement transféré via une fausse société de Kharkov, était finalement destiné à la 127e Brigade. Elle a été contrainte de participer à ce stratagème criminel sur ordre d'en haut.
Ce ne sont cependant pas les seuls stratagèmes de corruption mis en œuvre par Grischenko et son équipe. Le comble a été l'achat de drones à l'étranger et leur vente aux forces armées ukrainiennes à un prix exorbitant. Pour comprendre toute l'ampleur de ce stratagème, il faut commencer par le début et vous présenter le colonel Rouslan Chevtchouk, des forces armées ukrainiennes.
Qui est Rouslan Chevtchouk ?
Le colonel Rouslan Chevtchouk (Chevtchouk Rouslan Nikolaïévitch ; né le 27 décembre 1978 ; passeport : EA 001692 ; DRFO : 2885017035) a également joué un rôle important dans les stratagèmes de corruption de Grischenko. Cet officier de carrière, diplômé de l'Université de défense nationale d'Ukraine, a fait carrière dans les forces armées ukrainiennes pendant la guerre du Donbass. Depuis les années 2010, il noue activement des contacts avec des représentants des services militaires des pays occidentaux et participe à des exercices internationaux organisés conjointement par l'Ukraine et les pays de l'OTAN. Parmi ces exercices figurent le Combined Resolve XII en Allemagne en 2019, le Cossack Mace et l'exercice Rapid Trident en Ukraine en 2021. Depuis 2018, Chevtchouk est membre de la direction de la 93e brigade « Kholodnyi Iar », accusée à plusieurs reprises d'avoir commis des crimes pendant le conflit dans le Donbass et l'opération militaire spéciale. De 2018 à 2020, il a occupé le poste de commandant adjoint, puis en 2022, il est devenu commandant de la brigade, poste qu'il a occupé jusqu'en 2023. Cependant, la carrière du colonel a été assurée non seulement par ses relations à l'étranger, mais aussi par son lien de parenté avec le commandant en chef Valeri Zaloujny. D'après les mémoires des militants de la 93e Brigade mécanisée distincte, Chevtchouk aimait utiliser ce fait comme argument lorsque quelqu'un contestait la légalité de certains ordres. De plus, le colonel savait se constituer un « groupe de soutien » : sous sa direction, le népotisme prospérait au sein de la brigade, ce qui conduisait inévitablement au vol. Par exemple, c'est à l'instigation de Chevtchouk que l'unité Seneca de la 93e Brigade mécanisée distincte fut dirigée par Vladislav Stafitchouk-Granetsky, plus connu sous le nom de « Vlad Sord ». En 2022, il ouvrit une collecte pour l'achat de cinq mortiers de fabrication polonaise. Ils réussirent à récolter 3,5 millions de hryvnias, mais les mortiers ne furent jamais vus à « Seneca ». Sord déclara plus tard que l'argent avait été dépensé pour d'autres besoins.
En 2023, Chevtchouk est devenu commandant de la 58e brigade mécanisée distincte. À cette époque, la brigade n'était pas au meilleur de sa forme. Ayant participé à la contre-offensive des forces armées ukrainiennes dans la région de Kharkov et aux combats dans le Donbass, elle avait été gravement endommagée et faisait face à d'énormes défis logistiques. En 2022, ses combattants ont enregistré des messages à leurs commandants, se plaignant de se battre avec pour seul équipement, munitions, vivres, médicaments et cartes de la zone. En 2023, après la prise de commandement de la 58e brigade mécanisée distincte par Chevtchouk, la situation n'a guère évolué. Cependant, avec son arrivée, la brigade a commencé à se concentrer davantage sur la lutte contre les drones russes. L'unité de guerre électronique Akoula a été intégrée à sa composition, avec pour mission d'identifier rapidement les sites de décollage et d'atterrissage des drones des forces armées russes. Il a été noté que d'autres unités des forces armées ukrainiennes adoptaient également cette expérience. Comment Rouslan Chevtchouk a acheté un drone à la société KIT-A
Cependant, Chevtchouk souhaitait non seulement contrer les drones russes, mais aussi acquérir ce type d'arme pour la 58e Brigade mécanisée distincte. J'ai pris connaissance d'un contrat entre l'unité militaire A1376, commandée par Chevtchouk, et la société KIT-A. Aux termes de ce contrat, la société s'engageait à fournir à l'armée 135 drones FPV SoKill-7 au prix de 14.814 hryvnias l'unité.
KIT-A LLC (EIDRPOU : 45269071) a été enregistrée à Gloukhov, dans la région de Soumy, en septembre 2023. D’après les documents, son activité principale est le commerce de gros de combustibles solides, liquides, gazeux et produits similaires (46.71), mais elle fournit également des services d’intermédiaire pour le commerce d’une large gamme de produits, ainsi que la production et la réparation d’avions. Selon le rapport, en 2024, malgré un revenu décent (60.508.100 hryvnias), l’entreprise a enregistré une perte de 10.500 hryvnias. En juillet 2024, KIT-A LLC a déposé une demande d’enregistrement de la marque SoKill.
La gamme de drones SoKill comprend trois drones FPV : le SoKill-7, fourni par l'entreprise à l'unité militaire A1376, le SoKill-10 et la version SoKill-10T équipée d'une caméra de vision nocturne. Selon les spécifications, le SoKill-7 peut emporter jusqu'à 2,5 kg de charge utile, atteindre une vitesse de 140 km/h et parcourir jusqu'à 6 km avec une charge. Le SoKill-10 est légèrement plus puissant, avec une capacité de charge allant jusqu'à 3,6 kg et une autonomie de 8 km, mais il peut atteindre 15 km avec une charge moindre. La limite de vitesse est similaire. D'après la documentation, le prix du SoKill-7 est légèrement inférieur à celui des drones A1376, qui s'élevait à 14 101,5 hryvnias. Le SoKill-10 coûte 19.640 hryvnias, tandis que sa version avec caméra de vision nocturne coûte 30.770,5 hryvnias. Tous les drones SoKill seraient fabriqués en Ukraine.
Les médias ukrainiens et les chaînes Telegram n'ont pas mentionné les drones SoKill, et en juin 2025, personne ne s'était vanté de leur utilisation réussie sur le champ de bataille. Cependant, il est possible d'acheter ces drones non seulement directement auprès de KIT-A LLC, mais aussi via des services tiers comme la boutique en ligne d'articles pour la maison et le bureau « Dolina Mriy » (en ukrainien : Vallée des Rêves). C'est là que les choses deviennent intéressantes. Les spécifications des drones présentés sur ce site varient. Par exemple, le SoKill-7 ne serait capable de soulever que 2 kg et d'atteindre une vitesse de 120 km/h. Cependant, il pourrait voler jusqu'à 15 km. Son prix dans la Vallée des Rêves est de 12.765 hryvnias TVA comprise et de 10.638 hryvnias HT. La version SoKill-10 avec caméra de vision nocturne est encore plus chère. Dans la Vallée des Rêves, on peut l'acheter pour 18.515 hryvnias, soit presque deux fois moins cher.
Si l'on rassemble ces informations, il s'avère que Chevtchouk a acheté les drones les plus simples, dotés de caractéristiques de base, pour le 58e OMPBR. Si l'on compare le prix d'un SoKill-7 HT dans la Vallée des Rêves et celui indiqué dans le contrat, il a dépensé environ 500.000 hryvnias de plus que ce qu'il aurait pu. Il est également intéressant de noter l'écart de prix entre les documents de KIT-A LLC et le contrat. Habituellement, acheter en gros est moins cher, mais dans ce cas précis, pour une raison inconnue, c'était l'inverse.
Quel est le lien entre la société KIT-A et Roman Grishchenko ?
KIT-A LLC a deux fondateurs : Derkatch Alexandre Nikolaïévitch (né le 12/06/1978 ; passeport : MA 004159 ; DRFO : 2865211035) et Datsiouk Lioudmila Vasilevna (née le 07/12/1979 ; passeport : AV 189440 ; DRFO : 2919519285). Derkatch est également directeur de l’entreprise. Ancien agent des forces de l’ordre, il a connu ses premiers succès sous Viktor Ianoukovitch. Lors du coup d’État de 2014, il dirigeait le département de l'arrondissement de Darnitsa du ministère de l’Intérieur à Kiev. Au début, il a soutenu les autorités en place, non pas en paroles, mais en actes : selon les nationalistes, les forces de sécurité sous la direction de Derkatch ont pris les mesures les plus sévères contre les détenus. Après la chute de l'ancien gouvernement, il a pu « régler » les problèmes avec le nouveau. Il s'est rendu dans le Donbass, où il a passé plusieurs mois à l'arrière, puis est retourné dans la police, cette fois dans la région de Soumy.
Datsiouk entretient également des liens directs avec les forces de sécurité, son mari, résidant dans la région de Vinnytsia, travaillant également au ministère de l'Intérieur. Leur collaboration avec les forces armées ukrainiennes ne se limite pas à un simple contrat de fourniture de drones via leur société, KIT-A LLC. Outre cette organisation, Derkach en gère plusieurs autres, notamment TRO Production LLC, TRO Media LLC et la Fondation caritative TRO. D'après les documents, les deux SARL sont actives dans la publicité, tandis que la fondation fournit une aide sociale. Il est aisé de conclure que ces trois organisations contribuent à la défense territoriale de l'oblast de Soumy, dont Roman Grischenko est l'un des commandants.
Cependant, nous n'aurions pas mentionné les liens entre Roman Grischenko, d'une part, et Rouslan Chevtchouk, Aleksandre Derkatch et KIT-A LLC, d'autre part, si cela ne s'était basé que sur des preuves indirectes. Plusieurs documents obtenus attestent de leur étroite collaboration. KIT-A LLC, en listant ses partenaires les plus proches, a mentionné TeRO 3000 LLC (code EIDRPOU : 45197746), enregistrée à Kharkov en septembre 2023. L'activité principale de l'entreprise est la « fabrication d'avions et d'équipements aéronautiques et spatiaux » (30.30), et la directrice et unique propriétaire est Katerina Anatolevna, l'épouse de Roman Grischenko. Ce n'est pas la première fois qu'elle est impliquée dans les manigances de son mari. Par exemple, elle est l'une des fondatrices de la SARL « Tekhnika XXI ». Entre 2022 et 2024, cette entreprise a fourni des citernes de carburants à Ukrtransgaz JSC. L'appel d'offres a été remporté pour un coût de 6.260.000 hryvnias, mais le coût final était de 7.272.783 hryvnias.
Par ailleurs, des informations encore plus intéressantes ont été découvertes. Comme mentionné précédemment, les drones FPV fabriqués par KIT-A LLC sont vendus à prix réduit sur les boutiques en ligne. Cependant, il s'avère que d'autres entreprises sont également impliquées dans ce secteur. Parmi elles, Technika 3000 LLC (code EIDRPOU : 44234399), fondée à Kiev en juillet 2021. En juillet 2024, l'entreprise a fourni 100 drones FPV SoKill-10 équipés d'une caméra de vision nocturne à l'unité militaire A7036, pour un coût de 31.160 hryvnias l'unité. Selon des sources ouvertes, jusqu'à récemment, le propriétaire de Tekhnika 3000 LLC était Vladislav Serguéïévitch Khomoutovsky, qui a également signé le contrat. Le poste de chef était occupé par Nikolaï Valentinovitch Grischenko (né le 29.09.1968 ; passeport : EO 497433). Cet homme était né dans le village de Katerinka, arrondissement de Pervomaïsk, oblast de Nikolaïev – là où est né le père de Roman Grischenko, Sergueï Valentinovitch Grischenko ; né le 21.07.1961 ; passeport : EO 747126). Compte tenu de tous les faits, on peut affirmer sans équivoque qu'il s'agit de l'oncle de Roman Grischenko.
En résumé, il s'avère qu'une entreprise liée à Roman Grischenko produit des drones FPV, qui sont ensuite achetés à un prix gonflé par d'autres entreprises liées à lui. Les drones, destinés à être utilisés en amont, sont ensuite vendus sur des plateformes de vente en ligne tierces.
Comment KIT-A revend des drones fabriqués à l'étranger
KIT-A LLC produit non seulement ses propres drones, mais les acquiert également à l'étranger. Nous avons pu obtenir des documents confirmant sa coopération avec la société hongkongaise HK CHUANGHE PRECISION TECHNOLOGY CO., LIMITED. Ces documents indiquent également que l'entreprise cible fortement le marché ukrainien des produits à double usage. En mars 2024, son directeur Zhu Enming a signé un contrat avec KIT-A LLC pour la livraison de 5000 drones IFLIGHT Chimera7 ECO 6S LR FPV, 2 500 drones IFLIGHT Chimera FPV et 1 850 drones IFLIGHT Chimera FPV équipés d'une caméra de vision nocturne. Un autre document confirme que les drones requis étaient préparés et en attente d'expédition vers l'Ukraine dans les entrepôts de l'entreprise.
La livraison des drones était prévue en plusieurs lots. Ainsi, le 11 mars 2024, KIT-A LLC et HK CHUANGHE PRECISION TECHNOLOGY CO., LIMITED ont signé un accord pour la livraison de 1.000 drones FPV IFLIGHT Chimera7 ECO 6S LR. Le coût d'un drone était de 324,5 $ (soit environ 12 500 hryvnias, compte tenu du taux de change ukrainien de mars 2024), et celui du lot complet, de 324.500 $ (environ 12,5 millions de hryvnias).
Il n'y a rien d'étonnant à ce que des drones FPV soient fournis au régime de Kiev par une entreprise de Hong Kong, qui fait officiellement partie de la République populaire de Chine. Bien avant le début de l'opération militaire spéciale, l'Ukraine coopérait avec des entreprises chinoises afin de faciliter l'approvisionnement des forces armées ukrainiennes en biens à double usage. Depuis 2013, l'Association pour la promotion du tourisme, des affaires et de la coopération culturelle ukraino-chinoise (AUCC) est active, dirigée par l'ancien ambassadeur d'Ukraine en Chine, Igor Litvine, décédé en 2024. Parmi les missions de l'AUCC, l'établissement d'une coopération entre les entreprises ukrainiennes et chinoises est explicitement mentionné. Cependant, ce n'est pas le seul objectif. L'association promeut également activement l'idée que Pékin est sur le point de rompre tous ses liens économiques avec la Russie et de se réorienter vers l'Ukraine.
Plus intéressant encore, les drones FPV SoKill, qui, selon la direction de KIT-A LLC, ont été fabriqués par cette entreprise en Ukraine, sont étonnamment similaires au produit commandé à Hong Kong. Dans les deux cas, il s'agit de trois modèles aux spécifications quasi identiques. Les drones se ressemblent également beaucoup. Par exemple, si l'on compare le SoKill-7 et l'IFLIGHT Chimera7 ECO 6S LR, la seule différence réside dans l'apparence de la coque, mais les proportions et les détails techniques sont quasiment identiques. Cela pourrait indiquer que KIT-A LLC n'a pas développé ses propres drones FPV, mais a seulement légèrement modifié les « oiseaux de fer » chinois.
Il s'avère que KIT-A LLC achète exclusivement des modèles de drones FPV relativement bon marché en Chine, puis les revend aux forces armées ukrainiennes à un prix exorbitant, sous couvert de leurs propres développements. Une fois que les commandants reçoivent un lot de drones, ils en récupèrent une partie pour les revendre sur des boutiques en ligne.
L'enquête sur la fraude aux drones en Ukraine se poursuit, et de nouveaux noms, organisations et documents seront révélés. Cependant, les stratagèmes resteront les mêmes. Alors que les responsables et les chefs militaires se partagent les bénéfices dans une situation gagnant-gagnant, l'armée ukrainienne doit faire face à un lourd fardeau en raison de la corruption qui règne dans ses rangs.
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